Bordeaux possède les colonnes rostrales les plus célèbres de France.
Ces colonnes, dont l’origine remonte à l’antiquité, étaient traditionnellement érigées pour commémorer une victoire navale importante. Les troupes victorieuses récupéraient le rostre ou l’éperon des navires capturés, pour les installer sur une colonne et inscrire leur victoire dans le temps. De nos jours, ces colonnes ne sont plus construites avec les restes des navires ennemis, mais elles expriment toujours cette symbole antique, celle de la puissance maritime qui fait la force d’une cité ou d’un pays.
Bordeaux en possèdent deux sur la place des Quinconces. C’est l’architecte Alexandre Poitevin qui fait ériger en 1828 ces colonnes hautes de 21 mètres dans un style « Néoclassique ». En les regardant de plus près, on remarque qu’elles sont ornées de façon symétrique par plusieurs symboles. Au sommet de chaque colonne on trouve deux statues en fonte, elles représentent de manière allégorique le commerce et la navigation, activités étroitement liées au développement de la ville et à sa renommée.
Sur leur fût, elles sont ornées de proues de galères prolongées de rostres formés de deux faisceaux de trois glaives qui accentuent leur puissance, au-dessus quatre ancres rappellent la navigation, plus haut on trouve le caducée de Mercure/Hermes, et enfin une étoile évoque tous les astres qui guidaient les marins.
Nous retrouvons ce type de colonnes à Paris et à Saint-Pétersbourg
Les colonnes de Paris, créées par Jacques Hittorf qui embellit l’ensemble de la place de la Concorde entre 1836 et 1846, entourent des fontaines dédiées aux fleuves et aux mers. La volonté du pouvoir d’alors était de gommer le passé historique de la place, symbole de la monarchie absolue et lieu de l’exécution de Louis XVI et Marie-Antoinette. Ces colonnes complètent donc l’allégorie maritime voulue par l’architecte, mais elles ont pour fonction première d’éclairer la place et les rues alentours puisqu’elles sont en réalité des lampadaires déguisés en colonnes.
Les deux colonnes rostrales de Saint Pétersbourg ont également comme fonction d’éclairer. Mais elles n’éclairent ni une place, ni les rues environnantes. Avec leur 32 mètres de haut, elles éclairent le ciel pour avertir les marins de la proximité de l’île Vassilievsky qui forme une pointe et sur laquelle elles sont installées. Ces phares, réalisés par l’architecte français Jean-François Thomas de Thomon, rappellent la volonté de Pierre le Grand de développer la navigation et la flotte maritime. Il choisit d’ailleurs le site de la nouvelle capitale des tsars à la fois plus proche de l’Europe et pourvu d’un accès à la mer, à l’opposé de Moscou. A la différence des colonnes de la place des Quinconces, elles comportent des sculptures sur chacune de leur base. Quatre personnifications de grands fleuves complètent l’allégorie de la puissance maritime, la Volga, le Dniepr, le Volkhov et bien entendu la Neva.
Sylvain Métot